Critic text 

Ravir à l’architecture sa réalité physique

La pratique picturale de Paul Bertier repose sur un intérêt très vif pour les formes construites qui parsèment nos paysages urbains. Les édifices en tout genre, les bâtiments qui vont du plus faste au moins prospère, ainsi qu’une variété de carcasses architecturales sont mis à contribution au moyen essentiellement du fusain et de la peinture.
Le coup de crayon est précis et ordonné ; les physionomies d’ensemble sont arbitrées par des lois globalement géométriques. Le noir et blanc, en vigueur dans la plupart des séries, fortifie une impression d’élégance et de sobriété, presque d’austérité, ce que ne contredit pas, éventuellement, la texture soyeuse des aplats de fusain. S’il est à souligner la nature figurative des compositions – de même sans doute que la proximité avec le dessin d’architecte – ces dernières sont cependant loin de reproduire à l’identique ce que l’artiste aura minutieusement observé. Des écarts plus ou moins manifestes avec le monde perçu sont en effet apparents ; à certains égards, c’est ce qui entre au cœur du travail de Paul Bertier. 
En effet, voilà une œuvre qui, d’un côté, entreprend de s’appuyer sur une réalité fondamentalement tridimensionnelle – celle des espaces volumiques et des édifices habités, celle des lieux que l’on traverse réellement, concrètement – alors qu’il est question de les représenter sur des surfaces à jamais planes et bidimensionnelles ; cet aspect laisse supposer, quasiment par essence, une perte, un écart avec ce qui pourtant est si rigoureusement pris en considération. De même, voilà une œuvre qui, d’un autre côté, tend à représenter des éléments dont on devine la nécessaire rigueur et l’inévitable régularité dans ses motifs – ce que sont, en somme, des motifs architecturaux –, alors qu’en simultané, ces mêmes éléments sont reproduits de manière à déroger avec le vrai, et par conséquent, à s’inscrire dans un cheminement qui relève de l’imaginaire.
Les préoccupations picturales de Paul Bertier sont donc plus ambiguës qu’elles ne le laissent croire en première intention. Cette ambivalence entre rapprochement et déviation vis-à-vis du réel s’accentue d’ailleurs à mesure que l’on progresse dans l’œuvre de l’artiste.
Aussi, elle s’exprime abstraitement de trois façons. 
Tout d’abord, les façades, les fragments de murs ou les lieux de vie représentés – ainsi des séries Building, Islands et Borders – sont plus ou moins quelconques. Dépourvus de contexte et désormais anonymes, ces « lieux » paraissent génériques, comme s’ils pointaient une sorte de motif universel de la construction en milieu urbain. L’absence de signalétique et l’occultation de toute présence humaine renforce cette impression de dissociation à l’égard d’un réel auquel on adjoint, généralement, un cadre, une culture ou une population. Par la même occasion, une espèce de langueur est rendue palpable, en particulier dans les compositions colorées de la série Border, elles qui rappellent plus ou moins les peintures dépeuplées de la période du surréalisme, où la solitude est aussi une façon de refléter des mondes intérieurs.
Ensuite, les éléments représentés dans ces mêmes séries mettent en avant une utilisation singulière des blancs et des noirs, des vides et des pleins, de manière à extraire plus frontalement les motifs issus de la réalité. Ainsi, certains motifs représentés forment une masse noirâtre disposée au centre de la composition, le contraste avec la blancheur du papier alentour se faisant plus prononcé. Les parcelles d’architecture paraissent alors soustraites du monde réel, comme prélevées, en étant dépourvues de toute assise, de pourtour, flottant dans les airs. D’autres compositions sont conçues en réservant le blanc du papier ou de la toile là où les constructions auraient dû se montrer, contrastant là aussi avec les épaisses végétations et les grilles résidentielles qui les environnent. Les surfaces privées du moindre relief ne sont plus à même de mentionner un quelconque volume, elles finissent par décrire des masses abstraites, des espaces immaculés sous-tendus par des géométries invisibles. L’œil est désormais invité à scruter des formes et des silhouettes qui intriguent, car elles ne se réfèrent plus à quoi que ce soit de précis, alors qu’elles semblent simultanément détenir une sorte de vérité.
Enfin, certaines compositions de Paul Bertier prennent plus viscéralement leur distance avec le réel, faisant des motifs architecturaux des sortes de morphèmes autonomes qu’il est loisible de réinjecter sur une surface de papier, en jouant des effets de répétition ou de symétrie, c’est-à-dire en explorant la variété des configurations proposées par des procédés géométriques. C’est entre autres ce qui ressort des séries Homes et Monument.
La première donne plus précisément à voir un panel de structures habitables composées de fragments architecturaux qui, assemblés, répétés, juxtaposés, finissent par échafauder des édifices portés par une imagination résolument téméraire ; elles sont ce qui chez Paul Bertier se rapproche le plus des perspectives utopistes, là où il s’agit de porter son regard au loin, et de concevoir des manières d’habiter un avenir plus ou moins réalisable. La seconde œuvre plus radicalement du côté de l’abstraction pure, avec ces fragments répétés dont le motif de base s’est estompé. Ici aussi, une trame d’ensemble qui rappelle des structures
habitables, parfois en interprétant subtilement des angles et des inclinaisons de manière à donner tout juste ce qu’il faut pour rappeler la bâtisse initiale.
La pratique de Paul Bertier consiste donc à progressivement ravir à l’architecture sa réalité physique pour la réintroduire dans des espaces plans, c’est-à-dire des espaces susceptibles de déployer une forme de fiction, fut-elle sommaire, qui aurait pour cadre les espaces que tout un chacun est susceptible d’habiter. De ce fait, le réel d’un espace habité n’est plus appréhendé pour sa portée symbolique, sociale ou culturelle ; il est désormais recueilli pour sa morphologie pure et la force d’évocation qui l’accompagne. Aussi, sans doute n’insiste-t-on pas suffisamment dans ce travail sur le rôle que jouent la perception, le regard, et peut-être, l’amour des formes. Paul Bertier semble en effet constamment se demander ce qui fait qu’une silhouette, une morphologie, est à même de signifier un espace habité. Est-ce la façon avec laquelle les creux jouent avec les pleins, les surfaces avec les profondeurs, les renfoncements avec les saillies, en vue de produire portes et fenêtres ? Est-ce davantage la vie que l’on ne voit pas, mais que l’on devine, derrière ces mêmes ouvertures que l’artiste dépeint le plus souvent de façon opaque ? Difficile à dire, sauf, sans doute, lorsque l’on est artiste.

Julien Verhaeghe, Critique d'art et commissaire d'expositions, 2021


Guidé par la préoccupation terriblement actuelle qu’est celle du bâtiment urbain, au centre de la vie contemporaine et en discussion avec elle, l’artiste, dans un travail très graphique, nous donne à ressentir cet univers que nous avons bâti, à nous rappeler comment non seulement l’homme a modifié et dessiné son propre horizon mais aussi comment l’urbanisation, en conditionnant l’espace – individuel ou collectif –, l’oriente et lui impose des trajectoires, des lignes de fuite, d’horizon ; des limites et des cadres. Portée par le poids de ces constructions, c’est de manière absolument certaine que l’œuvre de Paul Bertier nous amène à considérer d’un œil soucieux ce dialogue que l’être humain a entamé avec son environnement et, à plus forte raison, avec lui-même.
Benjamin Cellier, auteur à Ragemag, 2014


Intent

Paul Bertier likes to combine rigor and sensitivity, conceptual and manual work. Ten years ago, during a trip in asia, he was struck by the contrast between mass architecture and landscape, feeling to be confronted to a fake space, almost unreal. Until, he examines urbanity and its implementation, its edges, its borders, its horizons. To explore this imaginary, he builds ambivalent images. It’s the research of the emergence of the city, between construction and escapement, strong affirmation and suspension. Shapes appears then in tension between particular and universal, natural, artificial. But it is above all a work on the act of painting and drawing where the motives of the city serve as a program. Images are conceived both as tangible objects and as projection spaces so that the viewer forms his own story in these unstable areas, in suspens.

Paul Bertier aime associer rigueur et sensibilité, travail conceptuel et manuel. Il y a une dizaine d’années, lors d’un voyage en Asie, il est saisi par le contraste entre l’habitat de masse et le paysage, la sensation d’être confronté à un espace factice, presque iréel. Il s’interroge depuis sur l’urbanité et sa mise en œuvre, ses bords, ses frontières, ses horizons. Pour explorer cet imaginaire, il construit des images ambivalentes. C’est la recherche d’un point d’émergence de la ville, entre construction et échappement, affirmation énergique et suspension. Apparaissent alors des formes en tension entre le particulier et l’universel, le naturel, l’artificiel. Mais c’est avant tout un travail sur l’acte de peindre et de dessiner où les motifs de la ville font office de programme. Les images sont pensées à la fois comme objets tangibles et comme supports de projections afin que le spectateur forme son propre chemin dans ces espaces instables, en suspens.



Represented by



Exhibitions and residencies
SOLO EXHIBITION OR DUO

2022
Formes de fiction, solo show at Galerie Paris Horizon, Paris
Dimensions variables, 
 solo show at Artlab Busan, Corée du sud
Solo show, Espace Icare, Issy-les-moulineaux
2021
Solo show, Chung.M art company, Seoul
2019
Solo show, Galerie Yeonoje, Seoul
2018
Urban shape, Solo show, Galerie Art works Paris Seoul, Seoul
2017
In Reality, Duo exhibition, Galerie 89, Paris
2011
Paysages, objets, Duo exhibition, Cité internationale des Arts, Paris
2008
Memory under construction, Solo show, Faidherbe library, Paris


GROUP SHOW
2022
Regardez voir, Musée français de la carte à jouer, Issy-les-moulineaux
2020
Lumières d'hiver, Galerie Paris Horizon, Paris
3m2, Galerie 24 Beaubourg, Paris
Biennale d'art contemporain, Champigny-sur-marne
2017
Montage citadin, Galerie Pont des Arts, Paris
Dessins, Galerie Berthet Aittouarès, Paris
2016
La relève, Crédit municipal de Paris
2015
Urbanité, Galerie Pont des Arts, Paris
2014
Art is Hope, Remove ClothesPIASA, Paris
Noir & blanc / Couleur, Musée français de la carte à jouer, Issy-les-Moulineaux
Reminiscensing, Gallery Form, Busan (south Korea)
2013
Matière des songes, Espace des Arts sans frontières, Paris
L'empire des sens, Arca, Les Arches, Issy-les-Moulineaux
Lisières, Espace Kia, Paris
2012
Regards croisés, Espace Tristan Bernard, Paris
Demeures, Cité internationale des Arts, Paris
2010 
De l'objet à la villeVenise architecture Biennial (with ensad)
Explosion de mode, Contemporary Art space fashion show in Paris
2009
Talents aux Arts déco ! ENSAD, Paris 

2008
601artbook project
Bronze award, competition of artists books
, Sangsang madang gallery, Seoul



OPEN STUDIO
2013 — 2023
Les Arches, Issy-les-Moulineaux


ART FAIRS
2019
Bama Solo show with Gallery Yeonoje, Busan (south Korea)
2018
Art Jeju with Gallery Art works Paris Seoul, Jeju Island (south Korea)
Daegu Art fair with Gallery Art works Paris Seoul, Daegu (south Korea)
2014
Affordable Art fair with Gallery Form, New York
Art Gwangju 14 with Gallery Form, Gwangju (south Korea)
Art show Busan with Gallery Form at Bexco, Busan (south Korea)


PUBLICATIONS
2014
Future Dinosaurs
Publication in Scrapped magazine, New York


RESIDENCY
2011
Cité Internationale des Arts, Paris



Education
2003 — 2008
ENSAD,
« École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris »
Master degree in printed image.

Born in 1983